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Prospections en Périgord blanc

Belle et chaude journée d'été que ce 14 juillet 2008.  Dédaignant pour une fois les caisses à pouilleries des brocanteurs professionnels ou amateurs qui étalaient un peu partout, hier, leurs bimbeloteries plus modernes qu'anciennes,  nous nous sommes Christian Varailhon, mon épouse et moi pleinement investis dans une longue séance de prospection  spéléologique et archéologique! Avec un certain succès !

Côté Périgord blanc  nous recueillons de précieuses informations sur l'existence de cluzeaux  inédits et de cavités secrètes. Au gré de rencontres aléatoires  la collecte de ces multiples renseignements s'effectue sur ces marches occitanes que le cours de la Lizonne, rivière empoisonnée par les engrais et pesticides des céréaliers riverains, sépare de la Charente. Ce territoire aux horizons insaisissables attire irrésistiblement nos cousins britanniques  qui en apprécient le charme subtil et l'authenticité ! Difficile de ne pas succomber à la simple beauté de ses espaces qui, vers l'Ouest, se dérobent en une succession de hautes collines et de profonds vallons. Cette contrée d'exception qui dédaigne la promotion médiatique possède la grâce indolente, presque impavide, des séductrices sûres de leurs atouts.

Des routes serpentines nous plongent dans l' univers contrasté de la ruralité du 3ème millénaire. Ici se côtoient de modernes entrepreneurs de la filière agroalimentaire bien au fait des fluctuations de la bourse et rodés à l'usage d'Internet et des « petits blancs » accrochés à leurs terres depuis des générations qui brandissent haut, encore, leur oriflamme originel 

Tard venue une toute autre population mite la région ; des anglais, des hollandais, des parisiens, des bordelais résidents permanents ou occasionnels qui ne sont pas, pour nous, de bons clients. Ils ignorent tout ou presque de ces mille petits riens qui forment la trame de l'histoire locale.

« Le souterrain s'ouvre  dans le pré, au-dessus de ce petit mur que vous voyez  là ! Son entrée est en pente. Il y a plusieurs salles…  » nous raconte, une fermière accueillante. Elle est la mère de deux fillettes qui n'osent pas lui avouer qu'elles se sont, à coup sûr, déjà aventurées dans la cavité ! Son mari, absent pour l'heure, , nous y conduira,  nanti de l'autorisation de la propriétaire … nous reviendrons bientôt !

Quelques kilomètres plus loin, sans le savoir puisque notre visite est improvisée, un agriculteur nous a posé un lapin ! Dans la grange ouverte à tous vents, la place de son automobile  est vacante. Nous ne pourrons pas bénéficier de ses talents de guide ; il connaît, paraît-il, des grottes inconnues ou à tout le moins les orifices de quelques trous de blaireaux! À l'attache son  vieil épagneul blanc et roux  gronde puis fond sous nos caresses. Nous lorgnons vers les bois étoffés qui abriteraient; au-delà du talweg, les cavernes en question ! À revoir…

Une information recueillie à la quatrième gorgée d'un café lyophilisé offert sans plus de façon par un hôte sympathique,  nous conduit ensuite à faire route vers l'Est.  À 20 km de distance un site où nous avons déjà exploré deux gouffres approchant la vingtaine de mètres de profondeur recèlerait tout un ensemble de failles inexplorées. Sur place nous constatons que  le renseignement n'est pas erroné.

À la faveur de considérables terrassements une immense dalle de calcaire a été mise au jour. Ces travaux ont révélé tout un ensemble de diaclases qui s'entrecoupent. Certaines d'entre elles semblent donner accès à des galeries souterraines.  Ce véritable écorché karstique est une magnifique illustration du mode de creusement en régime noyé de la plupart des cavités découvertes sur le vaste plateau du pays Verteillacois. La notion étroite de grotte avec bassin d'alimentation, drain principal conduits affluents et résurgence est ici caduque et ne peut s'appliquer à ce type de réseau. En réalité on a affaire ici un plan général de cavernement affectant les couches calcaires du crétacé. Leur extrême fissuration a favorisé la formation de ces avens qui ne cessent, presque chaque année, de s'ouvrir, sous le soc des charrues ou les roues des tracteurs. Le gouffre de Beaubost, avec ses 47 mètres de profondeur, en est un remarquable exemple.

Exploration d'une des nombreuses diaclases sillonnant le sous-sol du plateau de Verteillac (Photo Christine Carcauzon)

Munis d'échelles et de cordes nous irons explorer bientôt ces puits naturels que de récentes investigations menées dans les environs immédiats ne nous avaient pas révélées.

Pour l'heure c'est vers la contrée de La Tour Blanche que nous nous dirigeons. Christian Varaihon , cédant à ma demande, a poursuivi il y a quelques jours la prospection, ébauchée dans le milieu des années 80, d'un coteau boisé difficilement localisable. Il y a découvert deux porches surbaissés dont l'un au moins pourrait être pénétrable après désobstruction.

En tout juste un quart d'heure nous parvenons à nous glisser dans le conduit qui rapidement s'évase. C'est un méandre dont les parois et la voûte furent un temps recouverts d'un voile de calcite. Aujourd'hui celui-ci a presque totalement disparu ; nos regrets ne sont pas exclusivement d'ordre esthétique ; si jamais des paléolithiques avaient orné cette galerie horizontale de figurations animalières, une troublante ponctuation rouge nous y fait songer,  elles auraient été détruites avec leur support. La roche encaissante mise à nu ne présente plus que de multiples panneaux  de griffades de blaireaux. Au bout d'une trentaine de mètres une ancienne coulée stalagmitique obstrue presque complètement la galerie ; heureusement une chatière vite agrandie permet de se faufiler sous l'obstacle. Au delà la galerie désormais plus humide et de nouveau concrétionnée se prolonge encore sur  20 mètres environ pour finalement nous opposer l'étroitesse d'un boyau  envahi par le remplissage argileux. Une nouvelle séance de désobstruction sera nécessaire. La grotte peut encore nous réserver bien des surprises.

Je viens de me faufiler en rampant dans la grotte pour poursuivre de l'intérieur la désobstruction. Christian Varailhon ne tarde pas à me rejoindre pour une première reconnaissance de la galerie vierge. (Photo Christine Carcauzon)

 

Dans un tout autre secteur je présente à Christian qui ne la connaissait pas la grotte de la Geyrie( La grotte de la Geyrie et le four à chaux de La Besse )où j'ai découvert il y a bien longtemps toute une série de gravures géométriques. Plus tard, et à mon sens sans grands éléments de preuve, certains ont rapporté à la proto-histoire ces images de grilles ou de résilles. La cavité, partiellement comblée par des pierres et des blocs calcaires présente également une série d'encoches postérieures au décor qui furent creusées en vis-à-vis et à hauteur constante, de part et d'autre de la galerie,.  Le Trou des Brumes, distant de 1500 mètres, présente des aménagements similaires que nous croyons destinés à soutenir un plancher sur lequel pouvait être disposés les corps de défunts provenant de la communauté  de lépreux du hameau voisin du Maumasson.

Au sud-ouest de la grotte de la Geyrie existe une probable grange médiévale attestée par 2 silos toujours visibles sous le couvert forestier. La grange du bois de Halas à Jovelle,(Jovelle : La machine à remonter le temps) en est le modèle comme celle de Mistoury partiellementdégagée il y a presque un quart de siècle. Dans la commune de Bourg des Maisons nous en avons découvert une autre comme d'ailleurs vers Grand-Brassac près du hameau de Juillac. (grandeur nature)

Les substructions rupestres de ces bâtiments sont légion et elles témoignent d'une certaine vitalité du peuplement médiéval ; selon toute vraisemblance ce dernier entrepôt pourrait s'avérer important et en avançant le chiffre d'une vingtaine de silos encore masqués par la végétation nous ne risquons guère de nous tromper.

À proximité nous revoyons une fissure décelée au sortir de l'hiver : à 3 mètres de profondeur une galerie jugée pénétrable s'enfonce dans le massif. Comme il nous sera difficile d'y prendre pied en raison de l'exiguïté de la diaclase qu'il faudra intégralement élargir à l'aide des marteaux électriques et du groupe électrogène ce chantier est repoussé jusqu'aux premiers frimas ;  Ils pourraient matérialiser d'une colonne de buée l'éventuel souffle hivernal de la caverne.

Beaucoup plus en amont, dans la vallée de la Dronne, c'est un tout autre chantier qui nous attend bientôt : l'élargissement d'un laminoir dont la hauteur a été considérablement réduite par des dépôts de calcite intempestifs ! Au-delà d'un seuil infranchissable la torche électrique dévoile les perspectives fuyantes d'une galerie inviolée… Un souffle frais invite à suer sang et eau, à 30 mètres sous terre, dans cette antichambre du bonheur… ou de la déception totale !

Ch.C le 15/07/08



16/07/2008
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