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Qui mange encore des fruits blets ?

Qui mange encore des fruits blets ?

Serré de trop près  par  de grands chênes et des pins de haute taille dont la chute de quelques-uns uns, lors de la tempête de l'hiver 1999, a bien failli le fracasser, l'arbre a connu une pousse contrariée et tortueuse. Son  tronc moussu sur lequel le lierre s'est enroulé, émerge à grand'peine d'un boqueteau de noisetiers envahi par les ronces.

Étouffé par les branches de ses proches voisins,  il s'est  arqué à la recherche d'un peu       d'espace et de lumière et c'est sur la bosse de son fût que quelques tiges vigoureuses ont pu, enfin, s'élancer vers le ciel. Malgré son handicap, sa cime, dorénavant, culmine à cinq mètres au moins. Une centaine de fruits aux teintes brunes et cuivrées s'accrochent, inaccessibles, à sa ramure hivernale dénudée ; ce sont des espèces de petites pommes coiffées d'une couronne de cinq sépales hérissés. En secouant délicatement l'arbre quelques dizaines d'entre elles, les plus mûres, tombent sur le sol tapissé de feuilles mortes. La plupart, après une succession de gelées nocturnes, sont blettes et se révèlent bonnes à consommer. D'un coup de dents on incise leur peau et comme celle-ci s'avère assez résistante pour ne pas se défaire sous les doigts on presse cette fausse drupe dont la chair, à la saveur douceâtre et légèrement sucrée de compote,  s'écoule facilement dans la bouche pour peu qu'on accompagne la manœuvre d'une légère succion.

Si la saveur de ces friandises est un petit peu trop sure c'est que leur dégustation est prématurée.  Pour éviter que les merles, à l'affut de leur pleine maturité, n'en fassent un festin, on peut cependant les collecter encore fermes puis les disposer sur un lit de paille en l'attente du bon moment !

Ne dites surtout pas que ces fruits, depuis belle lurette remplacés sur les étals des maraîchers et des marchands des quatre saisons par des mangues, des kiwis, des papayes, des anones, des goyaves ou des litchis… ne valent pas un clou. En réalité, puisqu'il s'agit d'elles,  ces nèfles produites par le Mespilus germanica sont aussi savoureuses que bien des productions exotiques. Pourtant, s'interroge Pierre Lieutaghi, doutant qu'ils puissent être, un jour, réhabilités (1) « qui mange encore des fruits blets en un temps où le moindre ver de pomme soulève le dégoût ? »

 

Il faut se garder, malgré tout, d'avaler leurs 5 graines abritées par une enveloppe coriace; on préférera les recracher. À l'état naturel elles ne germent qu'au bout de deux ans. Pour hâter le processus certains les trempent quelques instants dans l'acide sulfurique alors que  d'autres scarifient le tégument puis les plongent dans l'eau, afin de le ramollir, pendant une dizaine de jours.  Semées après cette opération les graines dont la dormance a été ainsi réduite libéreraient paraît-il, leur embryon le mois suivant.

Le néflier  n'est pas, bien au contraire, un arbre à croissance rapide. Qualité de ce défaut son bois est « dur, homogène, d'un grain très fin ». Jadis il était particulièrement prisé pour la confection de fléaux. Dans le Pays basque, rapporte Pierre Lieutaghi exploitant des documents du XIXe siècle, on y avait recours  pour fabriquer « le makila, bâton ferré, décoré, à la fois aiguillon, épieu, arme magique »

Les jardiniers des siècles passés, rebutés par sa croissance d'une lenteur désespérante ne le multipliaient que par marcottage et par greffage utilisant, dans ce cas de figure le poirier, le cognassier, le pommier et l'aubépine comme porte-greffe. 

Bon nombre d'auteurs estiment que Mespilus germanica, originaire d'Asie Mineure, aurait été importé en Europe occidentale par les soldats romains. Cette hypothèse reste controversée puisque, en France même, des tufs post-glaciaires auraient livré des empreintes de ses feuilles.            Indigène ou non le néflier, espèce rustique et peu exigeante,  ne redoute guère que les sols trop humides. Il s'accommode, en revanche, de fortes gelées dépassant les – 20°C.

En contrebas de la grange castrale d'Argentine, enfoui sous la végétation, celui-ci n'avait plus, depuis longtemps sûrement, offert ses nèfles aux amateurs pas plus qu'au printemps ils ne comblait le randonneur du spectacle de sa fugace floraison ; fin mai il n'y coupera pas, on viendra admirer le bouquet de ses nombreuses et délicates corolles blanches aux pétales d'un chiffonné très étudié !

En attendant, scie ou sécateur en main, on met au pas ses co-locataires sans-gêne. Dans ce monde de brutes les arbres peuvent quand même prétendre à un peu de douceur !

Ch.C le 24/11/2007 16h30

(1)                Pierre Lieutaghi : Le livres des arbres, arbustes et arbrisseaux ;  Nos  deux tomes, reliés pleine toile, de cet ouvrage de référence ont été publiés en édition originale chez Robert Morel en 1969.  Ils conservent toujours, entre leurs pages, « une feuille des arbres du Parc des Nids à Bosville, en Normandie, ramassée et séchée à (notre) intention par Yvette et Claude Van de Meersch et leurs enfants c'est-à-dire les leurs et ceux qui sont comme les leurs ».

 

Comme le néflier, l'Alisier Torminal fait partie de la grande famille des rosacées et ainsi que Mespilus germanica, Sorbus Torminalis  affectionne aussi les sols calcaires et délaisse les zones géographiques dépassant l'altitude de 800 à 1000mètres. Si la taille du néflier n'excède guère 5 à 6 mètres,  celle de l'alisier, en revanche  atteint couramment 15 à 20 mètres. Contrairement aux feuilles du premier, lancéolées ou oblongues, celles du second, bien reconnaissables, présentent des lobes échancrés et pointus à bordure finement dentée.

L'alise, semblable à une petite cerise brune à la peau mouchetée, se consomme blette en novembre et son goût n'en est guère différent de celui de la nèfle qui est 3 à 4 fois plus grosse. 

 



05/12/2007
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