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Exceptionnelle découverte archéologique en val de Dronne

Exceptionnelle découverte archéologique en val de Dronne

 

 

Les internautes qui n'ont jamais surfé sur le web au rythme effréné du colimaçon ne peuvent savoir avec quel soulagement leurs homologues assujettis jusqu' alors au bas-débit ont accueilli leur récent raccordement au réseau ADSL. Faisant partie de ceux-là j'ai, il y a à peine 15 jours, redécouvert  le plaisir de naviguer, toutes toiles dehors à travers la galaxie Internet !

 

Spéléologue et archéologue avide de prospections et de découvertes, je me suis, bien sûr, précipité sur le site Géoportail conçu par l'IGN. La magnifique couverture photographique aérienne du territoire national qu'il propose est pain béni pour les coureurs de bois et de causses, de plateaux et de vallons. Entraînés dans une traque perpétuelle de phénomènes karstiques inconnus ou  de vestiges protohistoriques, gallo-romains ou médiévaux inédits, leurs recherches et leurs repérages  sont facilités par un outil, doté d'un logiciel d'affichage des coordonnées et dont l'utilisation est appelée à précéder tout travail de terrain.  

 

Le bassin de la Dronne constituant mon actuel champ d'action c'est tout naturellement que j'ai fait défiler sur l'écran du PC les images fouillées des paysages de la vallée du Boulou, un des affluents majeurs de cette rivière qui du nord-est au sud-ouest sillonne les Périgord vert et blanc.

 

 

À  quelques centaines de mètres du « château » du Boulou qui domine le puits de Fontas, belle résurgence vauclusienne dont les eaux vont rapidement grossir le cours de la Dronne, une troublante structure, dès son apparition sur le moniteur,  a retenu mon attention. En lisière du Bois de Bicêtre dont le sol, à en en croire les étymologistes qui font dériver le toponyme du patronyme Guincestre, issu lui-même de Winchester, ne fut jamais foulé par les troupes du pacte de Varsovie, on distingue nettement l'anneau clair d'une piste ou d'un fossé dépourvu de végétation entourant un espace circulaire arboré d'environ trente mètres de diamètre.

 

Se pourrait-il que la région vue et revue par des centaines de chercheurs assidus ou occasionnels recèle encore une motte féodale ou un tumulus inconnus ? Bien que cette éventualité me paraisse douteuse il va falloir, malgré tout résoudre au plus tôt cette énigme.

 

À la première éclaircie météorologique d'un mois de mai peu soucieux d'honorer les promesses de son prédécesseur, Christine, ma compagne, et moi nous nous rendons sur place. Le bois de Bicêtre dans le sous-sol duquel circule probablement un mystérieux ruisseau souterrain, s'étend, vers le sud, jusqu'aux abords du village  de Creyssac édifié à proximité d'un bullidour  pérenne. La futaie, ancienne, est surtout composée de grands et beaux chênes et châtaigniers affectionnant les terres argileuses profondes qui masquent les horizons calcaires du Turonien supérieur et du coniacien. La tempête de l'hiver 1999 n'aura eu, ici, que peu de conséquences visibles. Les chablis sont rares et n'entravent guère la promenade. D'énormes arbres morts demeurent sur pied, quelques-uns ont été couchés par la violence du vent lors de cet épisode hivernal mémorable. Beaucoup sont creux. Ils abritent depuis des lustres toute une population d'insectes, d'oiseaux et de petits mammifères… et constituent, perspective qui ne chagrine pas les prédateurs de ces derniers, d'appréciables garde-manger pour les xylophages.

 

 

Ceux qui, à deux, quatre ou six pattes,  préfèrent consommer des fruits ne sont pas oubliés. Nous découvrons vite quelques belles stations de fraises des bois qui feraient les délices de beaucoup. Nous ne nous hasardons pas à les goûter malgré l'envie que nous en avons. C'est un excellent moyen de se faire contaminer par une parasitose nommée échinococcose alvéolaire transmise en ingérant des végétaux et baies sauvages que renards et chiens peuvent souiller de  leurs déjections.

 

Me fiant à mes souvenirs du document photographique longuement consulté et à mon sens de l'orientation j'espère trouver, sans coup férir, le site repéré. Pourtant de cheminements aisés en contournements de zones rendues infranchissables par l'exubérance de la végétation… je me suis, sans y prendre garde, éloigné insensiblement de notre objectif. Pour finir nous débouchons sur un large talweg emblavé descendant vers la Dronne. Il serpente entre deux douces collines. Je le reconnais bien vite ; c'est en tête de cette combe, à la hauteur du Hameau du Lac, distant de presque un kilomètre, que j'ai exploré, il y a  bientôt quarante ans la grotte éponyme dont les beaux méandres fossiles n'ont pu me conduire à l'étage inférieur actif d'un réseau rétif à l'exploration.  Ce petit gouffre d'effondrement dont je devine, au loin, l'orifice qui baille à fleur de terre me sera-t-il plus favorable ? Je hâte le pas… mais c'est pour découvrir une cavité totalement obstruée à tout juste deux mètres de profondeur. Ce nouveau jalon sur la circulation hypogée… reste un jalon strictement impénétrable.

 

C'est en remontant vers le nord-est que nous devrions, maintenant que la topographie des lieux m'apparaît plus claire, parvenir au pseudo tumulus ou à l'hypothétique motte médiévale.

L'intuition s'avère judicieuse. Au bout d'un quart d'heure de marche nous débouchons sur un sentier perpendiculaire à la route de Creyssac. Nous l'empruntons pour, presque aussitôt,  tomber sur le but de notre randonnée.

Un chemin annulaire entoure bel et bien un boqueteau circulaire confirmant ce que  l'éclairage frisant qui modelait avantageusement, au moment de la prise de vue, l'infime relief de la butte m'avait suggéré. D'un seul coup d'œil je comprends que je suis bien en présence d'un site archéologique. Mon enthousiasme est porté à son paroxysme bien qu'il ne s'agisse pas d'une motte ou d'un tumulus. Je suis en présence d'un sanctuaire rural  dédié à la déesse Gaïa où sont concentrés des centaines d'ex-voto propitiatoires.

 

 

 

Ce gisement qu'il m'est donné de découvrir est véritablement exceptionnel ! Il intéressera passionnément les lointains successeurs de Serge Maury, l' « antiquaire » départemental qui dirige un service sur les activités duquel beaucoup n'ont cessé de s'interroger depuis sa création au début des années 80.

 

Ces spécialistes en rudologie trouveront, ici, matière à satisfaire leur goût de l'étude des pratiques et des comportements matériels et culturels de leurs proches ancêtres.

 

Nul doute que des fouilles attentives ne leur suggèrent l'existence, à proximité, d'opulentes demeures et de gites ruraux louées épisodiquement par de riches anglo-saxons,  bataves ou Franciliens. Ils n'en voudront pour preuve que la transformation de cette aire, dissimulée par les arbres, en un dépôt sacralisé des déchets végétaux de taille et de tonte engendrés par l'entretien de vastes parcs et jardins. Pollens et charbons de bois leur préciseront les essences plantées et de la découverte d'innombrables conteneurs , barquettes et godets en plastique de toutes formes et de couleurs variées leur donneront à penser que les propriétaires des lieux veillaient attentivement à la décoration florale de leur environnement. De la typologie des récipients exhumés ils pourront induire la période d'occupation, rapportable, vraisemblablement, aux premiers temps de la dynastie Sarkozienne, des sites périphériques et tirer d'utiles conclusions quant aux préoccupations écologiques des résidents.

 

Cette investigation soignée confortera des acquis scientifiques glanés ailleurs en Dordogne, comme en d'autres points du pays, et vérifiera ce que l'étude de textes anciens, imprimés sur papier alors, laissait déjà entrevoir : à l'orée du XXIème siècle l'homme moderne, abandonnant ses vieux démons et ses faux dieux aura versé dans le culte inconditionnel de la nature et du plus humble au plus puissant se sera impliqué dans une lutte de tous les instants en faveur de la protection de la planète.

 

C'est fou ce qu'une archéologie non interprétative peut nous apprendre sur nous mêmes et sur nos civilisations !

 

Ch.C. les 19 &20 mai 2007

 

 

 



20/05/2007
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