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Quinsac / Beigbeder à Vaugoubert

Descendant d'Hugues Capet, Frédéric Beigbeder aurait pu naître en Périgord : heureusement pour lui c'est à Neuilly qu'il a vu le jour. On peut dire qu'il l'a échappé belle !

 Je me méfie des biographies et plus encore des  autobiographies. Ce sont des exercices littéraires, à mi-chemin de l'hagiographie (ou du dénigrement partisan, voire de l'autoflagellation parfois) et du plaidoyer pro-domo, suspects à tous égards. Longtemps, avant qu'ils se dessillent, n'ont trouvé grâce à mes yeux que, remises en forme par d'habiles nègres, les confessions de marins, de mineurs de fond, de prêtres cauchois… ou de serruriers poitevins  publiées notamment chez Plon dans la collection «Terre Humaine ». Les unes et les autres eurent leur heure de gloire avant que peu à peu, le paysage social et politique s'étant radicalement transformé, leur lectorat s'érode.

Les éditeurs, flairant l'air du temps, ont dû  laisser tomber le filon, remis au jour par la culture soixant'huitarde, de ces témoignages prolétariens, ressucée du mouvement littéraire fondé dans l'entre deux guerres par Henry Poulaille. Comme il fallait bien offrir quelque chose à lire, qui soit en phase avec la vacuité intellectuelle des   « bobos » et des ménagères de moins de cinquante ans, les comités de lecture des grandes maisons dénichèrent rapidement des bataillons de pisse-copie dont les œuvrettes portées trop souvent à l' écran malmènent le cinéma français !

 

Snob décalé, dandy, contestataire d'opérette, bateleur médiatique, publicitaire éhonté … mais aussi homme de plume préféré des bourgeoises en espérance d'encanaillement machiste et d'orgasme adultérin, le happy few Frédéric Beigbeder devint très vite une de ces planches de salut de la république des lettres tombée  sous le joug des chiffres du tirage comme la télévision est inféodée maintenant aux résultats des performances audiométriques !

 

L'auteur Grasset  mérite mieux cependant que sa réputation frivole le donne à penser.  Windows on the World honorable prix Interallié 2003 , livre dépourvu de happy end retraçant un épisode fictionnel crédible d'un dramatique onze septembre ne tentera jamais, sauf modification de l'épilogue (La tentative d'adaptation de Max Pugh semble bien avoir fait long feu),  les cinéastes et les producteurs.  L' écriture et la trame du roman, performance rarement atteinte, demeurent toujours captivantes et c'est bien suffisant car si tous les écrivains ambitionnaient de faire oublier Shakespeare ou Céline combien d'entre eux entreprendraient-ils de noircir des feuilles blanches ?

      L'an passé Frédéric Beigbeder a obtenu le Prix Renaudot avec « Un roman français ». L'ouvrage, à la croisée de la retenue pudique et de l'exhibitionnisme, n'est pas sans défauts. Il est cependant habilement construit à partir d'un incident mineur : la garde à vue de l'auteur interpellé pour consommation de cocaïne et maintenu incarcéré dans les locaux de la police durant plus de  36 heures. Cette épreuve est propice à un de ces retours sur soi et à une réflexion sur le passé et l'avenir auxquels sont soumis un jour tous(tes) les quadras  ou quinquagénaires.

Elle inspire à l'auteur quelques belles pages (1) et autant de considérations frondeuses ou désabusées sur l'existence. Annoncé comme un « Roman » le texte relève  pourtant du récit autobiographique, qui, toutes réserves gardées, n'est pas sans rappeler les excellents « Nain jaune » et autre « Zubial » des Pascal et Alexandre Jardin.

Pouvais-je m'attendre, en m'aventurant dans la lecture de ce « roman français » si éloigné de mes choix littéraires ordinaires, à y dénicher la petite perle d'une référence au vieux, triste et douloureux pays périgourdin ? « Beigbeder au Pays de l'homme » Quoi de plus improbable ! Frédéric (et son frère Charles, ex patron de POWEO qui, aujourd'hui investit dans l'agroalimentaire) ont pourtant des attaches solides en val de Dronne.  Leur aïeule maternelle, « une » « de Chasteignier de La Rocheposay » fut propriétaire du château de Vaugoubert à Quinsac toujours détenu par ses descendants qui exploitent les terres de ce domaine principalement dévolu à ces « cultures céréalières industrielles » qui ne boudent sûrement pas les OGM !

 

Petit garçon, Frédéric Beigbeder eut certainement l'occasion d'arpenter en long et en large les allées du parc qu'ombragent les ramures exubérantes des feuillus ; Peut-être s'aventura-t-il jusqu'aux carrières d'où furent extraits, plus de 3 siècles auparavant, les quartiers de pierre destinés à la construction de la fastueuse demeure d'Antoine-Armand-Angélique d'Aydie ? La question mériterait de lui être posée. Sans doute, en y répondant, ferait-il aussi la narration d'une possible escapade clandestine  jusqu'au magnifique four à chaux rupestre dont l'orifice baille traîtreusement à fleur de terre au sud de la demeure acquise par ses ancêtres ?  (Quinsac: le four à chaux de Vaugoubert) (2)

 

Visitant les lieux en juin 2008 les adhérents racornis de la S.H.A.P (Sté historique et archéologique de Périgord, dite la grabataire de la rue du Plantier) n'ont apparemment pas recueilli, à en croire le compte-rendu publié dans leur bulletin trimestriel, les témoignages d'éventuelles frasques enfantines ou adolescentes du futur  Prix Renaudot dont le père, mari de Christine de Chasteignier était, (quelle honte !)  d'extraction plébéienne … comme l'atteste le lieu de résidence de la petite famille Beigbeder : Neuilly !

 

 

Ch.C le 31/1/2010 21h21 & le 1/2/2010 14h 45

 

(1) Télescopage de l'actualité aidant on savoure avec un vif plaisir cette apostrophe visant le procureur de la république de Paris, le désormais célébrissime  « Jicé » (Jean-claude Marin qui, en service commandé, s'acharne aujourd'hui sur Dominique de Villepin comme il se réjouissait, hier, de maintenir  le fêtard Beigbeder derrière les barreaux pour un délit qui n'aurait même pas mérité une « ligne » (de coke) dans n'importe quel quotidien !

(2) "Mon paradis c'est la plage de Cénitz à Guethary, le parc de la Villa Navarre à Pau, la colline du château de Vaugoubert à Quinsac, les reflets verts des avenues de Neuilly et des allées du Bois de Boulogne : c'est un monde révolu. La France dans laquelle j'ai grandi n'avait rien à voir avec celle d'aujourd'hui, je la décris sans nostalgie, comme une contrée imaginaire, comme si mon passé était une fiction. Il m'a semblé redécouvrir quelque chose ou quelqu'un, une époque, une famille, un pays, mais je peux me tromper, je n'ai pas le recul nécessaire." F.B



10/02/2010
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