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Était-ce le "vray pourtraict" du château d'Argentine ?

 

Était-ce le "vray pourtraict" du château d'Argentine ?

Dans son ouvrage consacré à la Châtellenie de La Rochebeaucourt (1) l'historien Henri Mazeau publie, en 1995, un dessin, peut-être à la mine de plomb, dans lequel il propose de reconnaître une vue du château d'Argentine.

La reproduction de faible qualité est accompagnée du commentaire suivant : « Ce dessin, trouvé  aux archives départementales de la Charente, (fonds Galard de Béarn) semble être celui du château d'Argentine dont il ne reste, aujourd'hui, qu'un pan de mur et l'embrasure d'une fenêtre retenus par une luxuriante végétation (2). Il reste également les vestiges d'une tour ronde que l'on voit à l'extrême droite du dessin et jouxtant une tour carrée . Ce reste de tour ronde est visible depuis la route de Ribérac. »

Pour séduisante qu'elle soit cette hypothèse ne semble pas devoir être retenue. Le document en question qui, stylistiquement, pourrait dater du XVIIIe  siècle ou même du début du suivant représente un édifice en ruines dont l'importance, s'il s'agit bien de la demeure probablement bâtie au XIVe ou peu de temps auparavant par les parents d'une Françoise d'Argentine qu' épousa en 1342 le seigneur de Jussac et de Saint Martial de Viveyrols, est loin de correspondre aux restes de murailles et aux substructions toujours visibles sur le terrain.      Pour autant la composition, empreinte de maladresse quasi enfantine et exécutée sans grand souci de la perspective, restitue bien l'image d'un monument, aux allures de forteresse, campé sur le rebord d'un escarpement rocheux évoquant la pointe ouest du promontoire d'Argentine.

 

Un logiciel de retouche d'image a permis d'améliorer sensiblement la qualité du document monochrome reproduit dans l'ouvrage d'Henri Mazeau. Copyright Ch.Carcauzon

La vue, éventuellement saisie depuis les hauteurs du plateau des Fieux distant d'à peine 200 mètres à une époque ou la végétation restait contenue, donne à penser que les bâtiments figurés sont très proches de l'à-pic occidental dominant la vallée de la Lizonne  Or, dans la réalité, les ruines en sont éloignées d'au moins 75 mètres. Ce n'est que sur le versant septentrional  du promontoire que les constructions se dressaient au ras du vide.

Les tours rondes dont l'une est encore crénelée n'ont laissé aucune trace au sol pas plus que le long bâtiment barlong et la tour carrée qui s'étirent  sur la droite de l'image. Il existe bien en revanche une construction cylindrique, toujours debout, à l'écart, mais très en contrebas de la grange castrale. Il s'agit, dans la mesure où la piste de l'historien est fondée, non pas d'un élément défensif mais d'un simple et pacifique pigeonnier qui déplore actuellement la destruction de son toit conique.

L'Angoumoisin Jean Jézéquel qui s'est attaché à brosser l'épopée familiale des Galard de Béarn (3) détenteurs entre autres des terres de La Rochebeaucourt à partir de 1578 affirme quant à lui que « le château d'Argentine existait encore en 1696.» (4)On peut estimer que 127 ans plus tard il était loin d'être dans l'état pitoyable qui est le sien actuellement. Le géomètre Labrousse, auteur du plan Cadastral de la  commune en 1823 en donne un relevé précis dont le traitement graphique, comparé à celui de l'église voisine et du foncier bâti périphérique existant,  est loin de témoigner d'un état de déshérence et d'abandon.

Le château proprement dit (1 du plan) comportait alors une aile orientale aujourd'hui disparue mais dont l'existence est attestée par des monticules de blocs recouverts par les ronciers et les arbustes. Pour l'essentiel la demeure des Jussac, une maison forte d'un seul étage construite sur une élévation calcaire correspondant au front de taille d'une ancienne carrière qui conserve au moins 4 boulins en paroi ouest se réduit maintenant à deux murs partiellement démantelés. Ces derniers sont percés d'une porte plein cintre, permettant d'accéder de plain-pied à une pièce de modestes dimensions pourvue d'un évier, et de deux fenêtres chanfreinées à rebords moulurés et d'une lucarne éclairant autrefois un grenier. Plus loin on devine l'embrasure supérieure d'une seconde porte ou d'un nouvelle fenêtre et celle d'un soupirail qui, à l'extrémité nord de l'aile principale, donnait sur la salle où avait été creusé le puits de la glacière. Le reste de l'habitation s'est effondré et on peut supposer que bien des moellons ont été récupérés et réemployés depuis.

 

La grange castrale (2 du plan), au magnifique mur méridional quasi aveugle, a résisté jusqu'à présent aux assauts des siècles mais une partie de sa toiture et de la charpente donne d'alarmants signes de faiblesse et une brèche s'est récemment ouverte dans la maçonnerie

Le Pigeonnier (3 du plan) d'une construction à peine plus tardive, peut-être, que celle du château se dresse en contre-haut de l'abrupt sud du promontoire. Il a remplacé un premier colombier, rupestre celui-là, aménagé ,quelques siècles plus tôt au sommet de la falaise septentrionale non loin de l'emplacement de la future maison-forte. Son toit conique recouvert de tuiles plates a disparu depuis longtemps comme la partie supérieure de l'édifice qui, au dessus de la randière le ceinturant, accueillait les lucarnes d'envol. Une porte unique qui, à l'origine ne pouvait être atteinte qu'à l'aide d'une échelle donne accès au pigeonnier dont le sol rocheux ,apparent quelque 2 mètres plus bas, est traversé de part en part par une large galerie désormais pratiquement comblée et dont l'étude est en cours.

La pointe du plateau d'Argentine, réduite au XIXe par l'exploitation d'une carrière et mutilée par le tracé d'une voie ferrée désormais désaffectée longeant puis franchissant la route de Ribérac à -La Rocheaucourt, n'a jamais fait l'objet d'investigations archéologiques approfondies.

On doit pourtant à quelques chercheurs des travaux et des découvertes non négligeables comme la désobstruction du puits du château, de sa glacière souterraine et de son pigeonnier troglodytique ainsi que la mise en évidence d'aménagements rupestres attestant une occupation humaine relevant, au moins du haut Moyen-Âge (Trous de poteaux, boulins, canaux, sols anthropiquement régularisés comme plus à l'est, au sud et au nord nombreuses tailleries de meules monolithes de moulin ; granges d'ensilage et fours à chaux ...

S'il y a peu de chances que des fouilles confirment un jour l'hypothèse d'Henri Mazeau relative à l'aspect architectural initial du château d'Argentine fondée sur la mise au jour de l'illustration ci dessus, reste à espérer, cependant,qu'à la faveur d'interventions programmées futures on en apprenne plus sur l'histoire, voire la proto-histoire d'un site archéologique exceptionnel dont on ignore à peu prés tout ! 

L'extrémité occidentale du  plateau d'Argentine à la fin du XIXe siècle; en contrehaut de la voie ferrée on distingue la tour ronde du pigeonnier ainsi que la grange castrale. Les ruines du château proprement dit sont masquées par la végétation.Au sommet du coteau : l'église

Ch.C le 15/7/2009

 

(1)                            Henri Mazeau. La Châtellenie de La Rochebeaucourt : son histoire, ses seigneurs, ses comtes, son château. Angoulême 1995

(2)                            En réalité les vestiges  archéologiques et architecturaux du château sont moins ténus que ce qu'affirme l'auteur.

(3)                            Jean Jézéquel  Du château d'Angooumois à la faillite Parisienne. Six siècles autour de La Rochebeaucourt. Le Croît Vif 1996

(4)   

En 1735 un François de Galard de Béarn qui fut abbé commendataire de Nontron et de Saint-Denis mais également curé d'Argentine réside au lieu-dit sans qu'on sache cependant s'il occupe le presbytère jouxtant l'église ou le château.



09/08/2009
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