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Ils ne blairent pas le blaireau !

Certes il lui arrive d'occasionner des dégâts, mineurs, aux céréales (blé, orge, avoine, maïs) en « lait » mais c'est essentiellement, au gré de glanes solitaires, un consommateur de vers de terre, de fruits, de tubercules qui apprécie tout autant les micro mammifères, mollusques, amphibiens et insectes. Ses populations s'autorégulent et il n'est, en aucun point du territoire, pléthorique. Les femelles ne donnent naissance qu'à 2,43 jeunes par an (admirez la précision statistique) dont la moitié ne survit pas.

Discret et paisible c'est l'animal noctambule emblématique de la campagne française. Il en affectionne les forêts, les champs, les  landes, les causses ou les pentes montagneuses. Sous sa livrée grise et sombre et avec sa tête blanche rayée de deux larges bandes noires  ce plantigrade au corps massif a une allure bonhomme et pour tout dire craquante. Ses pattes pourvues de solides griffes non rétractiles lui permettent de creuser de vastes terriers à multiples orifices squattés sans plus de façon par un autre mal famé qui lui impose sa compagnie :  le renard.

Ce faux balourd de 10 à 15 k dont la taille peut atteindre 90 centimètres paie un lourd tribut à la circulation automobile. On estime à plus de 30 000 le nombre de ceux  qui périssent chaque année sous les roues des voitures. Comme si ça ne suffisait pas, ses biotopes se réduisent à grande vitesse sous les coups de boutoir assénés aux paysages  par  l'agriculture productiviste. Il est victime aussi des pollutions et des poisons de toutes sortes affectant la chaîne alimentaire et auxquels  l'expose son statut d'omnivore.

Pauvre blaireau !

Si, encore, il  n'avait à affronter que ces cruels soucis sans doute s'estimerait-il heureux. Mais puisque décidément la vie n'est pas  rose, il est classifié par l'administration espèce chassable. Il a cependant évité le pire : on aurait pu lui coller l'étoile jaune de nuisible.

Pourtant, il n'y a pas si longtemps, il était gazé comme un malpropre. Explorateur souterrain sur le retour, nous nous rappelons avoir affronté comme lui la redoutable chloropicrine que de braves gens, au cours des décennies 60-70-80 répandaient à tire-larigot dans les cavernes qu'il habitait. Le souvenir reste cuisant et nos amis les frères Bitard, qui firent les riches heures du Spéléo-Club de Périgueux, ne se faufilaient pas dans les anfractuosités rocheuses des Beunes sans laisser à l'entrée ce message sur panonceau « Spéléos à l'intérieur ». Pour avoir négligé cette précaution ils faillirent un jour connaître le même sort que les « puants ». La chloropicrine les poilus l'ont expérimentée sous le nom de gaz moutarde. Les survivants de « La der des der » n'en ont jamais dit grand bien !

Aujourd'hui, malgré une récente prohibition , gazages et pose de collets (nous supprimons régulièrement des lacets tendus aux abords des terriers) se perpétuent en toute illégalité. Pourtant ceux qui n'ont pas renoncé à traquer impitoyablement l'animal peuvent le faire en toute quiètude sans enfreindre les réglements. Le blaireau demeure en effet la cible privilégiée des adeptes d'une vénerie souterraine qui pour être interdite dans de nombreux états européens n'en demeure pas moins autorisée au pays de Tartarin (1).

La  pratique est barbare : les chasseurs investissent les tanières des  mustélidés, en élargissent les conduits,  y lâchent leurs chiens  et extraient leurs souffre-douleur à l'aide de pinces de fer avant de les mettre à mort !

Elle en fait jouir beaucoup qui la considèrent comme « la chasse des puristes » Ceux-ci exercent leurs talents quatre mois de l'année, du 15 septembre au 15 janvier mais, par dérogation préfectorale, l'extermination peut débuter prématurément dès la mi-mars !

En Périgord, territoire quasi éponyme du lobby CPNTiste, on ne boude pas ces traques révoltantes.

Les  représentants de dieu moins que quiconque puisque l'un d'entre eux viendra bénir le 5 août, sur la place de Monpazier et à l'occasion des « journées nationales de la vénerie sous terre », les meutes de clebs sanguinaires hurlant au son des trompes de chasse du Rallye du Nontronnais couvrant les voix impavides de la chorale de la localité.

Et il en est pour qualifier la Dordogne de « Pays de l'homme »

Assurément ceux-là ont abusé du vin de messe !

 

Ch.C Le 27/7/2007

 

            (1) Le Blaireau est aujourd'hui protégé en Grande Bretagne, Italie, Irlande, Espagne, Grèce et Dannemark.

 

Un compte-rendu d'anthologie !

« les 18 équipes venues de toute la France ont été accueillies à Gaugeac. Le tirage au sort a permis de conduire les équipages sur leurs sites de chasse afin d'y être jugés sur leurs prestations (terriers de blaireaux) par deux juges nationaux, dont l'un d'entre eux est le formateur des juges.
Les participants furent surpris et ravis des terriers trouvés, par leur grandeur et par la qualité de la faune. La centaine de repas fut assurée par les sociétés de chasse de Saint-Romain et Saint-Avit-Rivière et par le Comité des fêtes de Gaugeac. Le lendemain, en fin de matinée, la messe de la Saint-Hubert fut célébrée par l'abbé Rocherie en présence de la chorale de Monpazier, suivie de la bénédiction des meutes sur la place centrale. » Sud-ouest du 22 août 2007

 

"Ce n'est pas demain que les chasseurs pourront blairer le blaireau !"

                         André Lequet (Nantes, F-44)
                 
http://perso.orange.fr/insectes.net/



12/09/2007
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