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Les belles histoires de l’oncle Pierre.

 

Les belles histoires de l'oncle Pierre.

Chapitre I

Où l'on fait connaissance avec l'oncle Pierre qui nous raconte une première histoire  

P

our nous, Vincent, François, Paul et les autres, ses neveux, Pierre Sambut-Folatron n'était guère qu'un nom souvent évoqué lors des réunions familiales, jusqu'à ce premier jour du printemps où il nous convia à partager son repas dans la belle demeure héritée de ses parents.

Il faut dire que la vie professionnelle du frère aîné d'Augustin Sambut-Folatron, notre père,  le tint durablement éloigné de la métropole et de son berceau périgourdin. L'oncle Pierre, juste entrevu à l'occasion de rares et fugaces congés exceptionnels, était attaché d'ambassade. À ce titre il sillonnait la planète au gré de ses affectations. Des pays et des continents, il en avait parcouru à satiété durant plus de trois décennies et, conséquemment, avait été témoin ou acteur de la grande et de la petite histoire de la V ème république.

Ayant fait valoir ses droits à la retraite il venait tout juste d'emménager à Castel-Cazeau, la chartreuse surplombant la vallée de la Vézère dont les murs abondaient de portraits de nos communs ancêtres.

Son union n'ayant pas eu le bonheur d'être couronnée par la naissance d'un descendant l'oncle Pierre, homme distingué aussi bon et affectueux que courtois et attentif à autrui, , n'eut rien de plus pressé, trois semaines à peine après un hasardeux retour d'Afrique, que de lancer une première invitation aux fils de son regretté frère. Il va sans dire que son courrier fut favorablement accueilli tant le désir de chacun d'entre nous était pressant de nouer des relations affectueuses et étroites avec le dernier représentant de la lignée paternelle puisque, durant l'hiver, un sort cruel avait fait disparaître notre géniteur.

Castel-Cazeau, la résidence de ses propres parents, ravis à son affection deux ans auparavant dans la chute d'un Boeing 707 sur la tour nord du World trade center, avait fait l'objet d'une restauration méticuleuse. Le résultat était superbe et derrière les murs séculaires du logis on découvrait aujourd'hui un habitat qui eut pu servir de vitrine aux promoteurs de la domotique comme des nouvelles technologies visant à économiser l'énergie !

  Malgré toutes les transformations subies par l'édifice, avec l'aimable complicité des architectes des « Bâtiments de France » d'ordinaire très sourcilleux s'agissant des initiatives du commun des mortels, celui-ci nous parut tout à fait agréable et, sans hypocrisie aucune, nous louâmes le travail accompli par un maître d'ouvrage talentueux !

Le repas fut exquis : il devait beaucoup aux talents de cuisinière de notre tante Junie, née Holly,  discrète héritière d'une des plus grandes familles d'Écosse, qui, le jour de ses épousailles, prit soin d'accoler à son nouveau nom celui de son mari français

Junie Holly-Sambut-Folatron  s'était surpassée! En entrée son foie gras poché accompagné de concombres rissolés nous surprit de prime abord mais tout aussitôt nous enchanta ! Jamais nos papilles anesthésiées par la cuisine du pays sarladais n'avaient été confrontées à une telle audace gastronomique. Notre étonnement fut plus vif encore lorsqu'elle nous proposa une oie farcie aux betteraves rouges nappée de leur jus de cuisson. Assurément ce plat apprêté de manière si originale était voué au plus grand succès, confiâmes-nous unanimement et avec un sincère enthousiasme à notre attentionnée hôtesse !

La roquette garnie de fraises rouges de Vergt, assaisonnée à l'huile de noix, au vinaigre de Pécharmant et à la pointe d'ail du plateau d'Argentine nous fit adhérer, sans plus d'hésitation, aux nouveaux standards de l'art culinaire. Comment aurions-nous pu faire autrement d'autant plus qu'un dessert succulent, une glace vanillée parsemée d'éclats de truffes, vint conclure cet inoubliable déjeuner.

Pierre et Junie nous prièrent ensuite de gagner le salon où, répartis de façon apparemment désordonnée face au  foyer d'une cheminée dévorant goulûment de grosses bûches de chêne, nous attendaient de confortables fauteuils recouverts de velours rouge.

Tandis que nos compagnes respectives se regroupaient autour de la maîtresse de maison qui s'était emparée de volumineux albums de photos retraçant leur existence nomade, leurs maris se rassemblaient autour de l'oncle Pierre, qui, café bu ,leur avait fait servir un vieil Armagnac qu'un producteur gersois de ses amis lui faisait parvenir depuis longtemps, quelque fût son adresse du moment!

D'une voix à laquelle la suavité fruitée de l'alcool avait conféré un timbre plus onctueux, le nouveau retraité s'adressa sans détour à ses neveux avides de connaître les mille et une péripéties qui avaient émaillées sa vie aventureuse.

« Puisque vous m'en priez, mes chers enfants, je vais vous narrer une des plus stupéfiantes affaires qu'il m'ait été donné de connaître alors que j'étais en poste à Nouméa. Sans doute vous rappelez-vous la lamentable opération menée, en 1985, par les services secrets de notre malheureux pays contre le « Rainbow warrior » navire de « Green Peace » !

« Il s'agissait pour le Président Mitterrand et le gouvernement Fabius. d'interdire les actions de propagande anti-nucléaire de  l'organisation écologiste déterminée à ruiner nos essais poursuivis de longue date dans le Pacifique pour une plus grande sécurité de la planète fondée sur l'équilibre de la terreur! »

« Le 10 juillet de cette année-là,  trois  nageurs de combat de la DGSE se chargèrent, alors que le Rainbow Warrior mouillait en rade d'Auckland, de le couler purement et simplement. Les événements prirent très vite une tournure dramatique avec le décès d'un photographe de Green Peace, tué par une des deux bombes placées sous la coque du vaisseau!

Rapidement interpellés par la police Néo-zélandaise les coupables reconnurent les faits ! Ils auraient pu passer 10 longues années dans les geôles du pays si le gouvernement Fabius n'était intervenu en leur faveur.

Rapatriés sur l'atoll d'Hao en Polynésie française ils regagnèrent ensuite la métropole.

Furieux de voir des assassins libérés après avoir purgé des peines symboliques alors que la justice Néo-Zélandaise les avait condamné à de prison ferme, une fraction radicale du mouvement « Vert » résolut de pallier à sa manière la défaillance de la justice.

Bénéficiant de complicité au sein même de l'État major, ces militants eurent bientôt vent de manœuvres de « la Royale » dans le Pacifique sud.

Ils apprirent par ces informateurs acquis à leur cause que l'aviso « Commandant Saucy » allait faire relâche dans le port de Nouméa  .Le « Saucy » était un magnifique navire de 5,60 mètres de tirant d'eau filant à 24 nœuds, tout juste sorti des chantiers navals de la DCN à Brest. Long de plus de 80 m il était armé d'1 tourelle de 100 mm, de 2 canons de 20 mm, d' un de 375, de 4 mitrailleuses de 12,7 mm et de 4 tubes lance-torpilles de 550 mm.

Portant le nom de l' illustre marin que fut le commandant Saucy, héros légendaire des guerres tonkinoises, cet aviso incarnait à lui seul, aux yeux des écologistes, toute la morgue hypocrite d'une nation se flattant d'avoir enfanté la république et la démocratie pour mieux bafouer, dans les faits, ces conquêtes universelles!

Objectif trouvé les écologistes échafaudèrent, dans l'urgence, un plan visant à venger la mort de leur compagnon et le plasticage du Rainbow warrior.

Deux d'entre eux, adeptes de l'exploration sous-marine particulièrement déterminés, iraient, conduits sur place par le pilote d'une chaloupe puissamment motorisée, installer par 5 m de fond, leurs mines sur la coque du Saucy. Afin d'alerter l'équipe des saboteurs de l'apparition intempestive de policiers ou de militaires, 2 complices seraient recrutés pour faire le guet!

Le premier, un grutier du port prénommé Jude, devrait , du haut de son engin, prévenir le commando de tout danger potentiel.

Le second, que dans les milieux interlopes des bars et bordels de Nouméa on connaissait sous le sobriquet de « maçon », déformation ironique de son véritable patronyme Lemasson car beaucoup prétendaient qu'il était incapable de manier une truelle en raison de la taille de son poil dans la main, se verrait chargé de faire diversion en cas d'apparition inopinée des forces de l'ordre!

Si Jude, tenu par l'appât du gain,  était un élément fiable il n'en était pas de même, loin de là, pour Lemasson. L'homme que son penchant pour les boissons alcoolisées avait conduit sur les chemins délétères du stupre et de la fornication était véritablement le maillon faible de l'opération !

La suite devait le confirmer. Alors que, mimant l' oisiveté d'un docker au chômage Lemasson allait et venait sur le quai, louvoyant entre les bittes d'amarrage, il vit soudain apparaître une séduisante hétaïre à laquelle le versement d'un acompte accordé imprudemment par ses commanditaires permettait d'avoir accès ! L'invite fut directe et la somme proposée agréée ! Oublieux du contrat et de sa mission la petite frappe accula sa vénale partenaire contre un pilier de béton du dock le plus proche et connut dans ses profondeurs tropicales une jouissance qu'il n'aurait, même dans ses rêves les plus fous, jamais osé imaginer… et qui, par voie de conséquence, le détourna de sa tâche…

S 'il n'avait cédé à ses impulsions Lemasson aurait certainement pu prévenir ses complices de l'irruption soudaine de toute un troupe d'agents de la force publique informés à temps, par des mouchards stipendiés, du projet d'attentat !

Les terroristes furent tous appréhendés en un tournemain et la marine nationale n'eut pas à déplorer la perte d'un de ses plus beaux fleurons !

Je vous l'accorde, le récit de cette affaire fut sans doute trop long, bien que des centaines de détails eussent été, volontairement, passés sous silence! Si je devais, en une formule lapidaire, la résumer…je dirais  ceci : quand les verts minent Saucy à l'eau, Jude est haut et "Maçon" nique !  »

Ch.C



20/11/2009
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