Une promenade dans Villars ensommeillé
Comme Argentine, la Périgourdine, qui, somme toute, n'est pas si éloignée, Villars, avant d'être rattachée à Magnac-Lavalette, fut une commune charentaise de plein droit ! Aujourd'hui cet ancien chef-lieu isolé en pleine campagne du Pays d'Horte savoure, pour le plus grand agrément de ses habitants une quiétude absolue qui n'est pas pour autant synonyme de repli et de renoncement !.
À arpenter le village encore ensommeillé, ainsi que nous l'avons fait ce matin, dans le silence des petites heures matutinales d'un dimanche de printemps incertain, on se rend bien compte qu'une municipalité déterminée, s'active énergiquement à l'embellissement du site… et on en demeure abasourdi !
Imaginez, à 4 kilomètres de Villebois, une vingtaine de maisons et de granges accrochées au flanc d'un coteau aux ondulations moelleuses et respectueuses des jambes flapies des anciens, entre lesquelles circulent deux ruelles rénovées à grand renfort de pavés et de galets lavés convergeant vers une église de fonds roman restaurée avec goût et retenue. Contre son mur gouttereau septentrional s'adosse un cimetière parcimonieusement ombragé au fil des heures par la colonne feuillue d'un cyprès, tel que le ferait sur une paroi maçonnée le style, ou gnomon,d'un cadran solaire, !
Beaucoup de municipalités s'enorgueilliraient, si l'on peut dire, d'un tel ravalement de « façade » : ici il est , non pas incongru mais malgré tout surprenant, car le sanctuaire ne bénéficie d'aucun classement ni même d'une inscription à l'inventaire des Monuments historiques. Reste que le bâti, privé ou monumental traditionnel mérite bien l' attention qui lui a été portée. Villars a résisté au calamiteux mitage contemporain et l'affligeante modernité architecturale n'a pu, ici, s'imposer. L'ancienne mairie elle même trouve grâce aux yeux des plus critiques. Ce petit édifice républicain surmonté d'une terrasse à balustres, accolé à une importante construction qui fut peut-être, autrefois, propriété d'un maire ou d'un conseiller général, date certainement des premiers pas de la IIIème. Il charme par sa modestie « ostentatoire » et éventuellement « socialiste » !
L'église, qui, à en croire les remaniements successifs dont témoignent ses vieilles pierres a connu bien des vicissitudes, est fermée à double tour : pas question d'y pénétrer. Une nouvelle visite s'impose ! Tant pis et à tout prendre, tant mieux car cette porte close nous incite à poursuivre notre balade au gré d'un chemin encaissé entre deux talus arborés. À gravir les derniers contreforts de la bosse calcaire qui domine le sanctuaire on parvient assez vite au faîte du coteau dont le flanc opposé plonge vers un vallon jusqu'alors dissimulé.
Pratiquement en tête de ce talweg dévolu aux productions fourragères et céréalières ou oléagineuses sourdent les eaux d'une fontaine qui n'est sans doute pas étrangère à la fondation de la villa gallo-romaine à laquelle Villars doit certainement son nom car le toponyme fait, de toute évidence, allusion à un établissement antique ou du haut moyen-âge dont il serait étonnant que des prospecteurs avisés n'aient point retrouvé la trace.
Cette source a été (ré)aménagée au XIXe . La vasque de l'exutoire, un bullidour dirait-on en Dordogne voisine, est entourée de deux murets circulaires concentriques et l'eau de cette exsurgence qui jaillit des profondeurs du sous-sol alimente un grand lavoir où, agenouillées sur leurs « banches » (1) bien des femmes d'alentour ont du, jadis, s'échiner à rendre propres des draps dans lesquels d'autres avaient ou allaient noircir leur réputation !
Devant la fontaine campent deux arbres remarquables, deux peupliers noirs imposants qui, à en juger par leur taille, 30 mètres au moins, et la circonférence de leur tronc à l'écorce crevassée,quasiment 10 mètres, ont commencé à dresser leurs branches vers le ciel bien avant que la tête couronnée de Louis XVI ne chute dans la bassine de zinc disposé à l'aplomb d'une invention nouvelle : la guillotine !
À eux seuls ces monuments du règne végétal méritent le détour ! Agitées par le souffle réfrigérant du vent qui fait cortège aux fameux « Saints de glace », aujourd'hui sur le départ, leurs feuilles cordiformes tremblent et bruissent, d'impatience tant elles ont hâte d'annoncer les douceurs puis les canicules estivales.
Devant de tels géants on reste confondu… et on déplore l'absence d'un « prie-Dieu » pour rendre hommage à Gaïa !
Entre les fûts couturés de l'un comme de l'autre, s'inscrit le souriant tableau du château voisin de la Grauge à la construction duquel tous les deux ont assisté… voilà deux cents ans au moins !
Plus loin, depuis les hauteurs de la route qui va bientôt plonger dans la vallée du Voultron d'où le Docteur Henri Martin exhuma l'homme de La Quina qui était une femme (2) on voit s'embraser à l'horizon les murailles de la forteresse de Villebois. Le soleil, lassé de jouer à cache-cache avec les sombres nébulosités de ce début de journée, illumine soudain la Charente méridionale !
Villars: de Villaribus Villare, "le Hasmeau". Villare, à l'époque mérovingienne, est un petit lot sur un grand domaine; à l'époque carolingienne, une dépendance, un commun de la villa.
Ch.C le 17/5/2009
(1) planches à laver en bois striées transversalement et munies d'un caisson dans lequel reposaient les genoux des lavandières
(2) c'est bien connu : un homme sur deux est une femme !